Lors d’une séance parlementaire récente, Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget, a répondu à une question posée par le groupe socialiste – opposition Ittihadi concernant l’impact de l’augmentation des prix du gaz au Maroc.
Il a révélé que le gouvernement consacre annuellement plus de 15 milliards de dirhams (MMDH) à la subvention du gaz butane, un soutien destiné, en principe, aux catégories les plus vulnérables. Cependant, les données partagées montrent que cette aide, bien qu’importante en termes budgétaires, n’atteint pas efficacement sa cible.
Une répartition inégale de la subvention
Selon les déclarations du ministre, les 20 % les plus pauvres de la population ne bénéficient que de 14 % de cette subvention, tandis que les 20 % les plus riches en captent 27 %. Cette disproportion met en lumière une faille majeure dans le système actuel : l’absence de ciblage précis des bénéficiaires. Cette situation engendre non seulement une iniquité sociale, mais également un gaspillage des ressources publiques, alors que ces fonds pourraient être mieux utilisés pour réduire les inégalités.
En réponse à cette problématique, Lekjaa a souligné l’importance d’introduire des mécanismes permettant de garantir que les aides publiques atteignent les populations qui en ont réellement besoin. Selon lui, le soutien direct, via des transferts monétaires ciblés, constitue une solution optimale. Cette approche permettrait de réduire les abus et d’assurer une meilleure utilisation des ressources budgétaires.
Pas d’augmentation des prix en janvier 2025
Malgré les préoccupations croissantes quant à l’impact économique des subventions et des fluctuations des marchés internationaux, Mohamed Benjelloun, président de l’Association professionnelle des dépositaires grossistes en gaz liquéfié, a confirmé que les prix des bonbonnes de gaz butane de 12 kg resteront inchangés en janvier 2025. Cette stabilité des prix est essentielle pour préserver le pouvoir d’achat des ménages, surtout les plus modestes.
Cependant, cette décision pose des questions sur la soutenabilité budgétaire à long terme de ce système de subvention universelle. Les experts mettent en garde contre le risque d’un creusement des déficits publics si aucune réforme structurelle n’est mise en œuvre rapidement.
Le défi d’une réforme systémique
Le gouvernement se trouve ainsi face à un dilemme : maintenir un système coûteux mais politiquement sensible ou engager des réformes structurelles qui pourraient être impopulaires à court terme. La mise en place d’un dispositif de ciblage efficace nécessite une base de données solide et des outils technologiques avancés pour identifier les ménages vulnérables. Cela inclut des collaborations interinstitutionnelles et une sensibilisation accrue pour expliquer les avantages d’un tel changement.
Des exemples internationaux montrent que les transferts monétaires directs, bien qu’exigeants à mettre en œuvre, peuvent réduire les inégalités tout en renforçant l’efficience budgétaire. Cette approche pourrait non seulement améliorer la justice sociale, mais aussi libérer des ressources pour financer d’autres priorités nationales, comme l’éducation, la santé et les infrastructures.
Un enjeu de développement durable
La subvention du gaz butane soulève également des questions environnementales. Ce combustible fossile contribue aux émissions de gaz à effet de serre, et son utilisation massive freine les efforts de transition énergétique. Une réforme du système de subvention pourrait s’accompagner de mesures encourageant l’adoption de sources d’énergie plus durables, comme les panneaux solaires ou les cuisinières électriques à haut rendement.
Le Maroc, engagé dans une politique de durabilité à travers des initiatives telles que le plan solaire Noor et les projets éoliens, pourrait tirer parti de cette réforme pour accélérer sa transition énergétique.
L’enjeu de la subvention du gaz butane dépasse largement la simple question budgétaire. Il s’agit d’une problématique multidimensionnelle impliquant des considérations sociales, économiques et environnementales. Le gouvernement, avec le soutien des différentes composantes du Parlement, doit agir de manière concertée pour réformer ce système et garantir une utilisation optimale des ressources publiques.
L’introduction de mécanismes de ciblage précis, le développement de solutions énergétiques durables et la sensibilisation des citoyens sont des étapes clés pour assurer une transition réussie. Si ces réformes sont bien menées, elles pourraient non seulement améliorer les conditions de vie des populations vulnérables, mais aussi renforcer la résilience économique et environnementale du Maroc à long terme.