Un drame collectif à hauteur d’enfant
Dans une Tunisie rurale, éloignée des regards et oubliée des politiques, deux jeunes garçons gardent leur troupeau lorsqu’un crime d’une violence inouïe survient : Nizar, 16 ans, est sauvagement tué, et son cousin Achraf, 14 ans, est contraint de rapporter sa tête à la famille. Ce fait divers glaçant, qui a profondément marqué l’opinion publique tunisienne, est au cœur du film. Toutefois, Lotfi Achour ne s’attarde pas sur la reconstitution brute des événements. Il en explore plutôt les répercussions psychologiques et émotionnelles à travers le regard d’un enfant, offrant ainsi un récit poignant de perte, de sidération, de silence et de résilience.
Une immersion poétique dans une Tunisie invisible
Tourné dans les régions intérieures de la Tunisie, avec une approche presque documentaire et une sensibilité poétique rare, Les Enfants rouges est porté par l’image somptueuse du directeur de la photographie Wojciech Staroń. Le film s’ancre dans une réalité rugueuse, faite de paysages âpres, de visages marqués, de corps silencieux. Achour y capte la matière – la terre, les pierres, les cicatrices – et en fait un langage visuel d’une force inouïe.
Le casting, composé d’acteurs non-professionnels issus de la région, renforce l’authenticité du récit, tandis que la bande sonore immersive plonge le spectateur au cœur d’un territoire à la fois physique et mental.
Mémoire, dignité et résistance
En évitant tout misérabilisme, Lotfi Achour livre une œuvre exigeante et nécessaire, où la question de la dignité, du deuil impossible et de la violence symbolique prend une dimension universelle. Les Enfants rouges interroge notre rapport à la mémoire, à la représentation des drames humains dans les médias, et à ce que nous choisissons de voir – ou de taire.
Ce second long-métrage du cinéaste, déjà largement salué dans plusieurs festivals internationaux, s’impose comme une tragédie contemporaine, à la fois ancrée dans un territoire et ouverte sur le monde.