L’INDH au miroir des inégalités persistantes

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Vingt ans après son lancement, l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) continue de représenter une pièce maîtresse dans l’architecture sociale du Maroc. Présentée comme un levier pour corriger les inégalités, favoriser l’inclusion et améliorer les conditions de vie des populations vulnérables, l’INDH a financé des milliers de projets à travers le Royaume. Pourtant, les contraintes s’accumulent dans les territoires, et le rôle des associations partenaires suscite de plus en plus d’interrogations.

Si les grandes lignes stratégiques de l’INDH sont claires à Rabat, leur déclinaison sur le terrain est souvent chaotique. Dans de nombreuses provinces, les contraintes sont de plusieurs ordres :

1. Faiblesse des capacités administratives

Les comités provinciaux et locaux, censés piloter les projets, manquent souvent de compétences techniques en gestion, ingénierie sociale ou suivi-évaluation. Cela conduit à des retards, des choix inadaptés et une mauvaise planification.

2. Zones rurales défavorisées dans l’allocation réelle

Malgré les discours officiels sur l’équité territoriale, plusieurs provinces rurales ou enclavées peinent à obtenir une part significative des financements, en raison d’un manque de porteurs de projets structurés ou de dossiers techniquement bien montés.

3. Projets mal adaptés aux besoins locaux

Certains projets, importés « clé en main », ne tiennent pas compte des réalités culturelles, sociales ou économiques locales. Des centres de formation restent vides, des unités de production ferment faute de débouchés.


Les associations locales, censées être au cœur de la dynamique participative de l’INDH, sont confrontées à de nombreuses difficultés :

1. Sélection peu transparente et parfois clientéliste

Dans certaines provinces, les critères d’éligibilité sont flous, et des associations peu actives, mais proches des décideurs locaux, bénéficient des projets au détriment de structures réellement engagées.

2. Manque de formation et de professionnalisation

De nombreuses associations manquent de compétences en montage de projet, gestion financière, communication ou reporting. Cela limite leur capacité à gérer efficacement les fonds et à assurer la pérennité des actions.

3. Absence d’accompagnement post-financement

Une fois le projet financé, l’association est souvent livrée à elle-même. Aucun dispositif structuré ne permet de l’accompagner dans la gestion quotidienne, le recrutement de ressources humaines qualifiées ou le développement de partenariats durables.

4. Surcharge administrative

Certaines associations dénoncent une bureaucratie excessive, avec des procédures lourdes et répétitives, des audits trop fréquents ou des délais de déblocage de fonds dissuasifs. Ces contraintes tuent parfois la dynamique d’initiative locale.

Un des problèmes récurrents dans la gestion provinciale de l’INDH réside dans la posture de certains chefs de Divisions de l’Action Sociale (DAS), accusés par de nombreux acteurs locaux de bloquer volontairement ou arbitrairement des dossiers de porteurs de projets. Au lieu de jouer un rôle de facilitateur, d’accompagnateur et de coordinateur, certains chefs de DAS adoptent une posture bureaucratique, centralisatrice, voire autoritaire, rendant difficile le bon déroulement des démarches.

Dans plusieurs provinces, des porteurs de projets témoignent de retards inexpliqués dans le traitement des dossiers, de refus non motivés, ou encore d’une absence totale de communication sur l’état d’avancement de leurs demandes. Cette opacité alimente un sentiment d’injustice, de frustration et de découragement, en particulier chez les jeunes entrepreneurs, les coopératives féminines et les associations rurales.

Pire encore, certains observateurs locaux parlent de sélectivité politique ou personnelle dans l’approbation des projets, ce qui mine la crédibilité de l’INDH et compromet son objectif d’équité sociale. Le développement humain ne peut être suspendu à la volonté d’un seul fonctionnaire, aussi stratégique soit son poste. Il devient donc urgent de mettre en place des mécanismes de recours, de transparence, et de suivi indépendant, pour garantir que les décisions prises par les chefs de DAS soient conformes à l’esprit et aux objectifs de l’INDH : servir l’humain, et non bloquer son élan.


 

Pour que l’INDH remplisse réellement sa mission de transformation sociale, plusieurs évolutions s’imposent :

  • Former et renforcer les capacités des acteurs provinciaux, y compris les élus, les fonctionnaires et les représentants de la société civile.
  • Mettre en place des mécanismes de transparence et de redevabilité, avec des plateformes ouvertes de suivi des projets et des budgets.
  • Valoriser les bonnes pratiques locales, souvent invisibles, mais riches d’enseignements.
  • Créer des cellules d’accompagnement des associations, pour les appuyer sur la durée, de l’idée à la gestion stratégique.

L’INDH ne peut réussir sans un ancrage territorial solide et des partenaires de confiance sur le terrain. Cela suppose de corriger les déséquilibres entre régions, de professionnaliser les acteurs associatifs, et de redonner du sens à la participation locale. Car le développement humain ne se décrète pas à partir d’un siège central : il se construit pas à pas, dans chaque province, douar, et quartier du Royaume marocain.


 

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